Marseille et les
taureaux
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E X P O S I T I O
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Histoire en 25 tableaux
Affirmer que Marseille et les taureaux est une histoire longue de presque
deux siècles n’est pas une formule, mais une réalité historique.
Même si nombre de marseillais l’ignorent aujourd’hui, l’histoire taurine
de la ville a commencé en 1770 sur une place entourée de charrettes au
lieu dit la Plaine, pour se terminer en 1962 dans des arènes
démontables au boulevard de Paris.
Entre les deux, c’est presque deux cent ans de spectacles taurins, à
défaut d’être toujours corridas ; c’est presque deux siècles d’épisodes
passionnés, parfois drôles, parfois tragiques ; quelquefois médiocres,
quelquefois grands ; souvent excessifs ; à l’image de la ville.
C’est l’histoire de générations de marseillais qui se sont passionnés pour
les toros.
C’est aussi l’histoire économique de la ville, d’une région et d’un
département.
Pas moins de 18 sites ou arènes ont été installés dans Marseille ; 22
journaux taurins y ont été édités, dont la première revue tauromachique en
1887 ; les arènes du Prado ont attiré, certains jours jusqu’à 15 000
spectateurs, et Marseille est la seule ville de France ou trois Plazas ont
fonctionné en même temps.
C’est enfin une part incontestable du patrimoine culturel de la cité
phocéenne, qui il y a plus de deux siècles renouait, à travers ses arènes,
avec d’autres cultures des Suds, affirmant là aussi son énorme capacité
d’assimilation et son rôle dans le bassin de la Méditerranée
Présenter vingt-cinq documents, objets d’une sélection, est un choix ;
c’est aussi le premier volet d’un projet plus large visant à reconstituer
le passé tauromachique de Marseille.
Bien au delà de vaines polémiques, cette exposition se propose, d’être
autant un témoignage de l’Histoire, qu’un travail sur la mémoire, sur le
présent, sur ce qui fait finalement l’essence et la richesse de notre
ville : sa diversité culturelle. |
LES ARENES MARSEILLAISES
Quand après la dernière corrida de juillet 1962, les modestes arènes en
bois érigées une année plus tôt au bout du Boulevard de Paris sont
démontées, il s'est passé pratiquement deux cents ans depuis l'édification
en 1770 à La Plaine d'une simple enceinte de bois montée pour le premier
spectacle taurin.
Entre les deux, on compte presque deux siècles et 18 sites ou arènes
installés ou construits dans Marseille,et dans lesquels des générations de
Marseillais ont pu assister, bien sûr, à des corridas, mais aussi a de
très nombreuses courses provençales, presque une spécialité marseillaise,
à des manifestations équestres et même à des combats de boxe.
Pour autant, la finalité d'une arène étant de recevoir des taureaux, ces
derniers se sont promenés dans toute la ville au gré de constructions plus
ou moins durables et plus ou moins tauromachiques.
Il y a d'abord les arènes,les vraies. Les premières faites pour durer un
tant soi peu sont celles en bois installées en 1881 sur l'avenue du Prado,
a la hauteur de la rue du Rouet, et naturellement baptisées Arènes du
Rouet.
Elles ne durent
vraiment pas puisqu'elles s'effondrent le jour de l'inauguration, faisant
27 morts et 174 blesses graves. C'est a ce seul titre qu'elles restent
dramatiquement célèbres dans l'histoire de la ville.
Plus durables, sont celles des Catalans, édifiées dans le quartier du même
nom,pas très loin de la plage.
Baptisées Arènes Provençales, elles présentent, de 1889 a 1896. différents
spectacles taurins qui n'ont pas laisse de souvenirs impérissables.
Celles qu'on surnomme Arène Baccuet du nom de la traverse où elle se
situent, qui serait aujourd'hui sur l'emplacement du Boulevard Lord Duveen,
mais qui s'appellent en fait Nouvelles Arènes Marseillaises
sont inaugurées le 23 Juillet 1899.
Là encore les choses se
présentent mal, puisque le 30 Juillet, c'est le public mécontent de la
corrida qui met le feu aux gradins.
Cela vaut aux arènes deux ans d'interdiction. C'est en fait la guerre de
1914 qui voit la fermeture de cette photo marseillaise,
dans laquelle malgré tout se sont produits quelques grands noms de la
tauromachie de l'époque. Quarante et un ans plus tard, le 16 avril 1955,
sont inaugurées les Arènes du Parc Borél ou de Bonneveine, qui sont
installées avenue Clot-Bey et peuvent contenir jusqu'à 9000 spectateurs.
Elles manquent certes d'allure, mais sont les dernières grandes arènes de
la ville, et c'est sur leur sable que l'on peut voir la plupart des grands
maestros de la seconde moitié du siècle.
Elles ferment le 6 septembre 1959, sont démontées et le bois est vendu a
un entrepreneur. Mais il n'y a pas toujours eu de vraies arènes à
Marseille
et l'on a pu voir à différentes époques des spectacles taurins dans des
endroits aussi divers qu'inattendus : à côte de la place Castellane en
1819,
puis sur la place Jules Guesde en 1834, au Château des Fleurs sur l'actuel
boulevard Michelet en 1861, et en 1872 au nord de la Porte d'Aix. On peut
même assister en 1878, à trois représentations taurines dans un théâtre, le Théâtre Valette situé
alors dans la rue Paradis.
C'est, à ma connaissance, le seul théâtre ayant tente l'expérience, pour
le moins surprenante,
de la tauromachie. Encore faut-il faire exception des taureaux apparus sur
la scène de l'Alcazar pour les représentations de Lo tamenca et sur
celles du Palais de Cristal.
Dans les années 50, on torée même dans les stades : celui de l'Huveaune,
qui abrite alors l'0lympique de Marseille,
et celui de la S.N.C.F. a Saint Barthélemy.
On torée aussi au Parc Chanot, dans le Palais des Expositions et, en 1992,
on voit ressurgir des taureaux, certes petits, à la Fiesta des Docks.
En fait, il n'y a qu'une seule grande plaza de toros à Marseille, celle du
rond-point du Prado.
Construite cette fois, et située sur l'actuel boulevard Edouard Herriot
qui s'appelle alors judicieusement
boulevard des Arènes.
C''est une enceinte de 15000 places, entourée de platanes et munie de
tribunes couvertes qui est inaugurée le 17 juillet 1887. Seules arènes bàties que connaît notre ville,
c'est sur leur piste, plus ovale que ronde, que la tauromachie
marseillaise vit ses plus grands moments.
C'est en 1951, que les Arènes du Prado, victimes de l'expansion urbaine et
de la spéculation immobilière, vont fermer. La seule véritable plaza de
toros de Marseille a fonctionne pendant soixante- quatre ans. Cette
multitude de lieux, dont certains plus que bizarres, est évidement très
paradoxale.
Elle est à la fois le symptôme d'une ville dont les traditions taurines ne
sont pas profondément ancrées, et en même temps révélatrice d'une volonté
affichée, parfois farouchement, de voir des taureaux à Marseille.
Ce qui est évident, c'est que la tauromachie est étroitement et
profondément liée à un lieu ; à Marseille, elle s'est vécue trop longtemps
de quartiers en quartiers,'enceintes hâtivement installées en arènes de récupération.
II est significatif que les plus belles années de son histoire aient été
celles du Prado.
Alors si Marseille n'a pas aujourd'hui les arènes dont ont rêve des
générations d'afcionodos, ne serait-ce pas finalement la faute de
Jules César qui n'a pas ici jugé utile de construire l'amphithéàtre romain
qui nous fait défaut ?
GILLES DIENST
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