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Les Cafés Suds
à Nîmes

Lectures-spectacle sur la Tauromachie, Arte
Flamenco :
A Nîmes, les cafés se corsent…
Les « cafés suds », c’est parti. Sans lire dans le marc, au vu de
l’accueil réservé pour leur mouture du mois dernier, il y a gros à parier
qu’ils feront un tabac.
Retour au « Neuf » pour un premier clin d’œil.
« Les Noirs », los negros, ont donné des couleurs à la dernière «
Primavera ». Entendez ce recueil de poèmes de Patrick Espagnet (parus aux
éditions Loubatières), et non les « salmantins » venus se les geler sous
une bulle contrite. « Primavera » ne rimerait pas avec féria ? Peut-être.
Une chose est sûre cependant : le meilleur ennemi du froid est encore la
chaleur. Comme celle qui monte d’un chant profond, d’une guitare sèche et
des gorges comme des forges qui façonnerait la grâce et la douleur.
Comme le 3 mars dernier. Au Neuf. Il devait bien y faire 37 degrés au
moment où Alain Montcouqiol a posé sa voix sur « Robles », un chant pour
cet autre frère décimé, en terre de Biterre.
…« ta triste figure s’est allongée
aux portes du malheur
pour dire la douleur
des danses fauves
et des gravités
de pantin
désarticulé »…
Des mots d’émoi. Des vers qui se prennent les pieds dans les cordes. Et
torsadent la bouche de ce trop de l’autre qui n’est plus.
Une buleria de Pepe Linares s’est alors frayée un chemin entre les tables
au son d’une paire de bretelles qu’il faisait tambouriner sur son torse
comme on jouerait du« cajon ». Des « falsetas »(variations) d’Antonio
Cortes à la guitare le suivait à distance inspirées, et claires comme
l’eau vive.
Comme une urgence. A point nommé dans ce silence d’église, que le vol
d’une mouche aurait troublé aussi sûrement que ne l’aurait fait une harde
d’ânes entiers à la Madrague de Saint-Tropez.
Une lecture en tête à tête, en corps à corps, ne doit rien au hasard. Tout
est monté, comme une pièce : le choix des textes, leur minutage, l’ordre
de passage, les intermèdes musicaux, la mise en espace et même les temps
de respiration.
La variable, c’est l’émotion, qui naît du contact charnel de la corde
vocale avec ces morceaux d’âme portés sur le caractère d’imprimerie.
L’impression est d’abord une empreinte.
Quand quelques instants plus tôt, Jacques Maigne a lu « Flamenco », cet
autre titre d’Espagnet, son ami en tout et particulièrement en rugby, il
savait qu’il entrait dans une zone de résonances où la poésie serait prise
au mot.
« Aux gorges blanches
arrachées de sanglots
les guitares accrochent des lilas
les ventres des vieilles soulèvent
des orages
boucliers de fibromes
enfantements de rage »…
Avec une voix contournée aux tournesols du Lauragais et sertie de
pierrailles des gaves, forcément, ça perfore ça froisse ça crie. Ne vous
étonnez pas après, que les mines fassent de drôles de gueules, que les
regards se regardent, les mains s’entrelacent de doigts et, que sur toutes
les lèvres, passe comme un chant muet ?!
Dans ce mano à mano de passeurs de mémoires, les quites avaient pour nom,
Cela, Nogales Chavez, Paco Ojeda et ses histoires de forges, Jacques
Durand et Géronimo son vieux coureur d’encierro, les « toque » d’Antonio
et les « fandanguillos » de Pepe…
Détail baroque : en toile de fond, sous la voûte, les personnages d’un
tableau assis autour d’un violon et derrière les lecteurs, se muaient
l’espace d’une veillée, en spectateurs intemporels d’une étrange mise en
scène. A moins de n’y voir-là, sous l’effet de quelques sortilèges, qu’un
reflet décalé de nous-même…
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